
La Démission?

Ou le licenciement?
Selon une jurisprudence constante, la démission est « un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire, sérieuse et non équivoque sa volonté de rompre le contrat de travail ».
Rappel : la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur s'analyse en un licenciement.
La démission n'a pas à être ni motivée, ni acceptée par l'employeur.
Pour s'apprécier en démission, la démarche du salarié doit être :

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Sans ambiguïté
La démission ne se présume pas.
L'absence injustifiée du salarié n'équivaut pas à une démission (mais peut conduire à un licenciement pour faute) :
Cass. soc. 10 juil. 2002, n° 00-45566, même en période d'essai après une longue maladie (Cass. soc. 27 nov. 2013, n° 12-25308).
Le fait pour un salarié de retravailler pour une entreprise concurrente ne suffit pas à lui seul à manifester une volonté claire et non équivoque de démissionner (Cass. soc. 24 avr. 2013, n° 11-26391, 11-26392, 11-26393, 11-26394, 11-26400 ; Cass. soc. 4 déc. 2013, n° 12-23859).
Attention toutefois aux circonstances qui entourent l'absence injustifiée (Cass. soc. 4 janvier 2000, n° 97-43572).
Une lettre de démission qui invoque l'inexécution par l'employeur de ses obligations ne constitue pas l'expression claire et non équivoque de démissionner (Cass. soc. 17 déc. 1997, n° 95-41749). Il faut que les faits invoqués soient justifiés (Cass. soc. 13 déc. 2006, n° 04-40527).
Le fait de réclamer son certificat de travail et son attestation d'assurance chômage, ne caractérise pas une volonté claire et non équivoque de la part de la salariée de démissionner (Cass. soc. 13 juil. 2004, n° 02-45302)

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Exempte de toute pression (unilatérale)
N'est pas considéré comme démissionnaire le salarié :
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qui a établi sa lettre de démission dans les locaux de l'entreprise et en présence de sa hiérarchie, après avoir été convoqué à plusieurs entretiens au cours desquels il avait été informé de sa mise en cause dans des vols commis au sein de l'entreprise et menacé d'un dépôt de plainte
(Cass. soc. 2 juillet 2008, n° 07-41325) -
qui a donné sa démission sous la menace d'un licenciement pour faute lourde
-
qui a donné sa démission à la suite des menaces de poursuites pénales puis s'est rétracté par la suite
(Cass. soc. 17 juillet 1996, n° 93-42122 ; Cass. soc. 25 juin 2003, n° 01-43760).
La démission s'analyse en un licenciement lorsque l'employeur, par son fait, a rendu impossible pour le salarié la poursuite du contrat de travail et l'a contraint à démissionner (Cass. soc. 29 oct. 1996, n° 93-44298).

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Réfléchie
Le salarié ne peut être considéré comme démissionnaire lorsqu’il est dans un état psychologique anormal (Cass. soc. 1er fév. 2000, n° 98-40244) ou si la démission résulte d’un désarroi, d'une émotion ou d'un accès de colère.
Toutefois, la compétence du salarié peut être appréciée pour évaluer sa volonté claire et non équivoque. Dans cette affaire (Cass. soc. 25 mai 2011, n° 09-68224) un salarié cadre est invité à démissionner sous peine de procédures disciplinaire et pénale. Il démissionne puis tente de se rétracter 5 semaines plus tard. La Cour de cassation le déboute : M. X..., en qualité de cadre, était à même d'apprécier la portée d'une démission, qu'il a bénéficié d'un temps de réflexion de cinq jours, délai au cours duquel il avait eu tout loisir de prendre conseil auprès de personnes compétentes, que la lettre de démission était exempte de contestations ou griefs et que le salarié a attendu cinq semaines pour se rétracter ; qu'elle a pu décider que cette démission procédait d'une volonté claire et non équivoque.

Requalification d'une démission en licenciement
Lorsque le comportement fautif de l'employeur mène le salarié à la démission, celle-ci doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse par les juges prud'homaux (Cass. soc. 15 mars 2006, n° 03-45031).
Mauvaise exécution du contrat de travail (article L1222-1 : le contrat de travail est exécuté de bonne foi) :
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non-paiement du salaire (Cass. soc. 22 sept. 1993, n° 92-41441 ; Cass. soc. 13 déc. 2006, n° 04-40527) ou d’un de ses éléments
(Cass. soc. 18 nov. 1998, n° 96-42932 ; Cass. soc. 24 avril 2003, n° 01-40377) -
classification inférieure à l'emploi tenu (Cass. soc. 13 oct. 2011, n° 09-71702 & Cass. soc. 13 oct. 2011, n° 09-71574)
-
conditions de travail dangereuses (Cass. soc. 18 oct. 1989, n° 86-43496)
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incitation par l'employeur au non-respect des réglementations applicables (Cass. soc. 29 oct. 2015, n° 13-21252)
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etc...
Le fait pour un salarié de faire état de manquements à l'encontre de son employeur suffit à rendre sa démission équivoque (le différend doit être antérieur ou contemporain [Cass. soc. 9 mai 2007, n° 05-40315] à la démission). Ces reproches peuvent être écrits :
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dans un courrier antérieur
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à l'employeur (Cass. soc. 25 mai 2011, n° 09-66671),
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à l'inspection du travail (Cass. soc. 9 mai 2007, n° 05-41324 & 05-41325)
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dans la lettre de démission (Cass. soc. 8 juin 2010, n° 08-41634),
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dans un courrier ultérieur (Cass. soc. 1er févr. 2011, n° 09-66942 ; en un temps proche de la démission (un ou deux mois environ : Cass. soc. 13 févr. 2013, n° 11-23226).
Si les faits invoqués sont justifiés, cette démission s'analysera en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Annulation d'une démission
Lorsque le salarié invoque le défaut ou le vice de consentement, la démission peut être annulée par le juge (art. 1109 du Code civil).

Requalification OU Annulation
La jurisprudence considère la rétractation d'une démission et sa requalification comme contradictoires. En effet, la démission et la prise d'acte sont deux types de rupture exclusifs l'un de l'autre :
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soit la démission est affectée d'un vice du consentement et doit être annulée,
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soit elle est fondée sur des manquements de l'employeur et doit être requalifiée en prise d'acte.
Le salarié ne peut tout à la fois invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission et demander que cet acte de démission soit analysé en une prise d'acte (...) de la rupture de son contrat de travail en raison de faits et manquements imputables à l'employeur (Cass. soc. 17 mars 2010, n° 09-40465).
Lorsque le salarié invoque le défaut de consentement de sa démission, le juge ne peut requalifier celle-ci en prise d'acte de la rupture
(Cass. soc. 7 mars 2012, n° 09-73050).
Sources Code du travail : art L1237-1, L1237-2 & L1237-3 ; L5422-1.
Téléchargements
Circulaire UNEDIC n° 2014-26 : le point 6.1.6 référence les démissions considérées comme légitimes ouvrant doit à l'allocation chômage (selon l'accord d'application n° 14).